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Atelier d’écriture au LCP avec l’écrivaine Marie-Hélène Lafon

Le Lycée-Collège de la Planta à Sion accueille depuis 2014 des auteurs de renom dans le cadre de rencontres littéraires, grâce à Romaine Crettenand-Sierro, professeure de français et proviseure. Après Philippe Claudel, Pierre Assouline, Nancy Huston, Marie-Hélène Lafon, Alain Blottière, Amélie Nothomb, Laurent Gaudé, Mathias Enard et Jérôme Ferrari, Marie-Hélène Lafon était à nouveau invitée le lundi 27 février dernier. Les étudiants de 14 classes de 3e, 4e et 5e ont eu la chance de pouvoir poser des questions sur son œuvre et son écriture à cette professeure de lettres classiques et auteure française ayant notamment reçu le Prix Renaudot en 2020 pour Histoire du fils. Le lendemain, elle a rencontré au sein de l’établissement scolaire les collégiens de l’atelier d’écriture animé par Gaëtan de Camaret, professeur de français au LCP.

Au LCP, c’est Fabienne Ducrey qui a lancé le principe de l’atelier d’écriture ouvert aux étudiants motivés. Après plusieurs années d’animation, son collègue Gaëtan de Camaret a repris le flambeau. C’est la 7e année qu’il anime toutes les trois semaines l’atelier d’écriture se déroulant le samedi matin sur une durée de trois heures. Selon les volées, l’atelier compte entre 12 et 20 participants, mélangeant les degrés, de la 2e à la 5e année. «Je prépare des consignes ayant pour but de stimuler la créativité et inciter à se lancer rapidement dans l’écriture», commente le professeur. Après 30 à 45 minutes consacrées à rédiger un premier jet, le groupe se réunit, ce qui permet de découvrir la diversité des productions et de créer du lien. Gaëtan de Camaret souligne: «Pour oser lire à haute voix son texte devant les autres, il faut une grande confiance, et celle-ci passe en partie par la convivialité.» Lors de l’étape suivante, il s’agit de réécrire. A la fin de l’année scolaire, le résultat de ces ateliers fait l’objet d’un recueil. A côté de cette formule standard, sous l’impulsion du recteur Francis Rossier, il y a des événements exceptionnels qui sont organisés, dont cette rencontre avec Marie-Hélène Lafon.

 

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Ambiance agréable et détendue dans l’atelier d’écriture animé par Gaëtan de Camaret, enseignant au LCP, avec Marie-Hélène Lafon en invitée

 

Au cœur de l’atelier d’écriture

Pour la rencontre du 28 février dernier, les étudiants ont préalablement rédigé des textes «à la manière de Marie-Hélène Lafon», avec des consignes différenciées. Une collégienne lit un texte qui s’arrête sur «la mer c’est trop beau quand même». L’écrivaine lui demande si c’est voulu de terminer sur ce «quand même». S’ensuit une discussion sur la jubilation associée à la baignade que l’on retrouve dans Histoire du fils, dans la partie intitulée «Vendredi 17 août 1934» de ce roman situé principalement dans le Cantal et mêlant naissance illégitime et secrets de famille de 1908 à 2008. Marie-Hélène Lafon raconte son choix de clore ce chapitre sous la forme d’un tableau dont le motif pictural renvoie aux baigneuses, avec des inspirations à la Maurice Denis (cf. encadré). S’adressant à l’étudiante, elle dit: «J’ai essayé de peindre une sensation et dans votre texte c’est aussi très présent.» Ysaline lit à son tour ce qu’elle a écrit (cf. encadré). L’auteure lui demande si c’était une volonté de ne rien dire sur la cause du chagrin initial, soulignant que cela ajoute à l’intérêt du texte. Gaëtan de Camaret part de la production d’Ysaline pour revenir à l’importance de la musicalité des mots relevée la veille face aux collégiens. Marie-Hélène Lafon insiste sur le rôle que celle-ci joue dans ses romans, indiquant qu’elle écrit à voix haute, pas le premier jet, mais les versions suivantes. «J’ai besoin d’entendre le rythme et la ponctuation pour trouver le juste souffle à chaque phrase», dévoile-t-elle. Là elle s’enflamme en évoquant la virgule et le point-virgule. Elle illustre son propos: «Entre «Hélène nage longtemps» et» il aime le maillot rayé», j’ai mis une virgule, mais je me souviens avoir longtemps hésité et aujourd’hui je pense que j’aurais dû la remplacer par un point-virgule.» Une étudiante avoue ne pas bien percevoir la différence entre les deux et l’auteure exemplifie avec quelques phrases pour démontrer la subtile gradation entre la virgule, le point-virgule et le point.

«J’ai besoin d’entendre le rythme et la ponctuation pour trouver le juste souffle à chaque phrase.»
Marie-Hélène Lafon

L’échange autour de productions de collégiens se poursuit, avec parfois des relances de la part du professeur de français pour revenir aux mots de l’invitée ou créer des ponts avec les classiques de la littérature, notamment Un cœur simple de Gustave Flaubert, écrivain qu’elle affectionne tout particulièrement, sachant qu’il est selon elle le maître du point-virgule. L’une des contraintes supplémentaires données aux étudiants par Gaëtan de Camaret faisait référence à ce conte, intégrant ainsi un enrichissement littéraire. Comme le rappelle Marie-Hélène Lafon, il n’y a pas d’atelier d’écriture sans un travail de lecture. Un collégien et une collégienne ont écrit, avec des passages en latin, un texte à quatre mains, procédé qui intrigue l’écrivaine. Une autre étudiante lit sa production, avec le surgissement de Madame Bovary devenue gouvernante. Un autre encore partage son texte riche en énumérations et jouant avec les temps verbaux comme le fait remarquer l’écrivaine qui lui suggère d’expérimenter les variations. Gaëtan de Camaret évoque les sous-textes abordés par Marie-Hélène Lafon dans Flaubert, livre paru dans la collection «Les auteurs de ma vie». Les participants constatent qu’elle les considère comme les noyaux de ses textes, ce qui n’empêche pas qu’elle «rabote» ses phrases, travaillant son style de manière «organique», avec le souci d’éviter toute «prolifération textuelle». A la demande d’une étudiante, l’écrivaine livre deux conseils pour choisir les premiers mots d’un texte, à savoir se dire qu’ils seront peut-être évincés par d’autres, ce qui allège la pression, et privilégier des phrases courtes, comme on trempe d’abord les pieds avant de se jeter à l’eau. L’atelier se termine autour de la piste du réel, source d’inspiration inépuisable aux yeux de l’auteure. «Je n’invente rien, je réinvente tout», insiste Marie-Hélène Lafon.

 

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Instant de complicité souriante autour de la littérature

 

INTERVIEW

Lucie, Lydia et Matthias, tous trois collégiens en 3e année, ont accepté de débriefer à la fin de l’atelier d’écriture, en compagnie de Gaëtan de Camaret. A l’unisson, ils ont apprécié ce moment d’échange privilégié.

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Discussion avec trois étudiants et Gaëtan de Camaret, professeur de français et animateur de l’atelier d’écriture

 

Pourquoi participez-vous à l’atelier d’écriture du LCP?

Matthias: J’ai commencé à écrire, avec l’envie de mettre des mots sur des pensées, des impressions, des émotions. Mon premier texte était une chanson. Au collège, mon prof de français en 1re année avait fait de la pub pour cet atelier et je m’y suis inscrit, me disant que ce pouvait être enrichissant de rencontrer des personnes ayant comme moi l’envie d’écrire pour se découvrir et comprendre le mystère de l’écriture.

Lydia: Nous étions tous les trois dans la même classe et c’est donc le même professeur de français, Monsieur Otz, qui nous a fait la même pub avec enthousiasme. Pour ma part, je trouve que l’écriture est quelque chose d’important pour savoir s’exprimer et comme j’étais à la recherche de stratégies pour m’améliorer, j’ai saisi cette occasion.

Lucie: Je confirme l’efficacité de la pub de notre prof de 1re année. Cela m’attirait d’essayer d’écrire, sans aucune prétention, juste pour le plaisir. J’estime que je ne sais pas du tout écrire, j’écris rarement des textes complets et je ne les retravaille pas assez, mais je reviens quand même régulièrement, parce que je pense que c’est un bon exercice.

 

Comment avez-vous vécu cet atelier avec Marie-Hélène Lafon?

Lydia: J’ai beaucoup aimé ce moment, d’autant plus qu’elle s’exprimait très bien et qu’elle était franche et directe dans ce qu’elle disait.

Lucie: En effet elle s’exprimait particulièrement bien et son propos était hyper intéressant.
Matthias: Sans utiliser son statut d’écrivaine professionnelle pour donner des leçons, elle a partagé sa passion de l’écriture avec nous.

Gaëtan de Camaret: Pour moi, le plus grand motif de satisfaction, c’est de voir le plaisir et l’engagement des étudiants pendant cet atelier. En tant que professeur, ce que je recherche, c’est de présenter la littérature autrement et là c’était une manière impériale de le faire. Par ailleurs, étant responsable de l’animation de cette séance, je me suis replongé avec plaisir dans la lecture des livres de Marie-Hélène pour structurer un peu les échanges.

 

Propos recueillis par Nadia Revaz

 


Extrait d’Histoire du fils de Marie-Hélène Lafon

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«André ne pèse pas, Claire le dit, Dadou est comme un oiseau, on ne le sent pas derrière soi. Il tient Claire à la taille, il l’accompagne, la taille de Claire est tiède et menue. Claire ne se penche pas, son buste reste droit. La ligne de ses épaules, la coulée rousse de ses cheveux sucrés, le chapeau de paille blonde, un vieux chapeau de son père qu’elle réveille d’un ruban bleu vif, sont tout l’horizon d’André; et le monde redevient parfait. Au Jaladis, l’eau verte luit sous l’arceau chevelu des saules. Les berges sont abruptes, on se tord les pieds sur des cailloux pointus, Hélène nage longtemps, il aime le maillot rayé que Claire a choisi pour lui et les corps blancs des cousines sont un vivant bouquet dans la lumière dansante.»
Marie-Hélène Lafon in Histoire du fils (Gallimard, collection Folio, 2022)

 


Texte d’une collégienne

Consigne d’écriture:
A la manière de Marie-Hélène Lafon dans Histoire du fils, raconter un apaisement, ou plus précisément le basculement d’un état d’anxiété vers un souvenir heureux, où domine un sentiment d’harmonie.

Souvenir heureux

«J’avais pleuré. Toutes les larmes de mon corps. Sanglots hachés, plaintes déchirées.
Mon corps tressautait, les larmes coulaient. Brûlantes, salées. J’avais l’impression d’être tombée. De haut. Très haut. Tous les espoirs, toutes les hâtes, tout était parti en fumée. D’un seul coup, d’un seul mot. Désillusions tranchantes, vide assourdissant. Assise dans l’herbe, j’ai continué. J’ai pleuré. J’ai crié. J’ai voulu tout casser. Mon cœur saignait, mon âme hurlait. Le soleil se couchait. Les montagnes au fond étaient entourées d’un halo orange. Orange pur, orange pâle. Orange venu des cieux. J’ai pris une photo. Immortalisé, l’orange. J’ai regardé le ciel. Il était encore bleu. Un bleu comme celui d’un lac. Ni trop éclatant, ni trop pâle. Ni clair, ni foncé. Là où l’orange et le bleu lac se mélangeaient, le ciel était presque blanc. Ou jaune. C’était apaisant. Et à travers mes larmes, je me suis sentie mieux. J’ai continué à observer le ciel. A penser. […] Dans le ciel, plus d’orange. Juste du bleu. A la fois clair et profond. L’herbe était douce et verte. Un beau vert. Un vert qui fait du bien au cœur. C’était bien. De regarder le soleil se coucher en écoutant les bruits de la nature. J’aimerais bien revivre ce moment. Revivre ce mélange de couleurs, cette fusion de bruits et ce déluge d’émotions.»


Ysaline


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