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Le coup de cœur cantonal dans le cadre du Prix RTS Littérature Ados

Si force est de constater que le nombre de groupes de lecture constitués dans des classes ou des bibliothèques pour le Prix RTS Littérature Ados, organisé en partenariat avec l’Institut suisse jeunesse et médias (ISJM) et en collaboration avec la Conférence intercantonale de l’instruction publique (CIIP), a connu cette année une baisse dans le Valais romand, le regard posé par les cinq jeunes du jury cantonal sur les cinq livres de la sélection n’en était pas moins aiguisé. Ils ont d’abord joué le rôle d’attaché de presse mettant en lumière chacun des titres, puis celui de critique littéraire vantant leurs forces tout en relevant leurs faiblesses et enfin celui d’avocat défendant leur préférence.

Début février, Adam (CO de Nendaz), Guillaume (CO de Saint-Maurice), Lysa (CO de Saint-Maurice), Timothé (CO de Nendaz) et Zoé (élève au CO d’Anniviers mais représentant le groupe de lecture de la Médiathèque de Sierre) ont ainsi passé un mercredi après-midi à la Médiathèque de Saint-Maurice pour désigner leur livre coup de cœur. L’événement, organisé par Evelyne Nicollerat, bibliothécaire responsable de la Documentation pédagogique pour le Valais romand à la Médiathèque Valais – Saint-Maurice et coordinatrice du Prix au niveau cantonal, s’est déroulé en présence de Christine Fontana, coordinatrice de plusieurs projets à l’ISJM.




L’argumentaire des ados

Les membres du jury valaisan ont apprécié la sélection du Prix RTS Littérature Ados dans sa globalité, surtout en raison de sa diversité. Plusieurs constatent qu’ils n’auraient pas spontanément emprunté leur roman préféré en bibliothèque, d’où l’intérêt de participer à ce Prix.


A propos de Grand Passage


«J’ai tout de suite été attiré par le côté féérique de la couverture.»
Timothé

Au sujet de Grand Passage, roman entre polar et conte fantastique, Adam commence par dire: «Il y a beaucoup de suspense dans ce livre et ce qui m’a plu c’est la manière dont est abordé le rapport à la mort.» Et Thimothé de compléter: «J’ai tout de suite été attiré par le côté féérique de la couverture et j’ai trouvé intéressant que ce livre parle d’un enfant qui vit avec sa mère sans connaître son père, car on a tous dans notre entourage des personnes vivant de telles situations.» Pour Lysa, «ce livre a l’avantage d’ouvrir à différentes interprétations possibles». Zoé partage cet avis, considérant que «les liens entre les éléments de l’histoire sont souvent cachés». Tout comme Timothé, Guillaume a été interpellé par le mystère qui se dégage de la couverture et a particulièrement apprécié le lieu du déroulement de l’histoire: «C’est sympa pour une fois d’avoir un récit dont le décor n’est pas une grande ville.»

Les jeunes critiques considèrent que certains passages sont trop détaillés, en particulier au début de l’enquête. Dixit Zoé, «la fin est en revanche résumée en tout petit, comme si on avait plus de temps.» Tous s’accordent à trouver la fin un peu facile et brusque, même s’ils notent que c’est paradoxalement ce qui crée l’effet de surprise. Lysa signale que certains de ses camarades ont été choqués que l’alcool soit traité avec une relative légèreté dans un livre destiné à la jeunesse, jugeant le sujet trop sérieux.

 

A propos de L’aube est bleue sur Mars


«C’est un livre qui raconte ce qui pourrait se passer dans l’avenir.»
Zoé


Lorsqu’il s’agit d’évoquer L’aube est bleue sur Mars, Adam s’enthousiasme: «C’était chouette d’être avec les astronautes et ce livre permet d’apprendre des choses pour réfléchir au futur dans la vraie vie.» Zoé explique que «c’est un roman qui raconte ce qui pourrait se passer dans l’avenir, en invitant le lecteur à se questionner sur ce qui va arriver sur la planète Terre en fonction de nos actions.» Guillaume acquiesce et poursuit: «Comme l’histoire n’est pas trop courte et laisse place aux descriptions, on a le temps de s’attacher aux personnages.» Pour Lysa, qui s’avoue peu passionnée par l’espace, cet argument est essentiel. «Il se passe assez de choses dans le vaisseau spatial pour qu’on ne s’ennuie jamais», relève-t-elle. Quant à Thimothé, il trouve le livre bien documenté: «Et même si ce qui est décrit n’est pas totalement exact, ce n’est pas grave, car cette histoire donne une idée de la vie des astronautes et montre les enjeux complémentaires entre science et écologie.» Pour les cinq membres du jury, ce double thème est bienvenu dans un livre destiné aux jeunes, car les réponses aux défis climatiques doivent selon eux être à la fois scientifiques et écologiques et non pas l’un ou l’autre.

Si nos jeunes lecteurs n’évoquent pas spontanément la correspondance numérique entre la jeune astronaute et le militant écologique en mission sur les océans, c’est parce qu’ils n’ont pas été conquis par ces échanges. Adam soupire, rompant avec sa fougue pour parler de ce roman: «Ces lettres, ce n’est vraiment pas ce que j’ai adoré et j’aurais volontiers raccourci quelques passages.» Le jury justifie sa critique en disant que si c’est moins palpitant, c’est parce que le lecteur n’est alors pas dans le moment de l’action sur les océans.

 

A propos d’On a supermarché sur la lune

 

«C’est cool d’avoir eu l’idée de faire un livre sous la forme d’un carnet intime.»
Guillaume

 

Adam a été intrigué par la quatrième de couverture d’On a supermarché sur la lune et le titre de ce livre difficile à classer dans une catégorie littéraire: «Ces divers éléments font qu’on ne sait pas trop de quoi il s’agit, mais en soi cela incite à la lecture.» Timothé a bien aimé le lien avec la musique. «Rosa fait tout pour parvenir à réaliser son rêve et le lecteur a envie de prendre exemple sur elle», analyse-t-il. Pour sa part, Guillaume trouve que «c’est cool d’avoir eu l’idée de faire un livre sous la forme d’un carnet intime», relevant l’originalité de découvrir ainsi la pensée de Rosa. Zoé remarque que le genre choisi ouvre à une grande variété des styles d’écriture, dont certaines très créatives. «Parfois, Rosa n’écrit pas ce qui se passe dans sa vie, mais des poèmes ou des chansons», commente-t-elle. Lysa a été touchée par le fait que cette adolescente cherche à se trouver au fil des mots qu’elle couche sur le papier.

Parmi les bémols, tout en reconnaissant que c’est lié au genre choisi, les membres du jury mentionnent des phrases construites uniquement avec des mots clés, des tournures de phrases bizarres avec des significations à interpréter et l’absence de fin. Lysa est par ailleurs perplexe quant au nombre de sujets abordés et la rapidité du passage de l’un à l’autre: «A une page, une adolescente saute du toit et juste après on est à un mariage, ce qui laisse une impression bizarre.»



A propos de Championnes



«L’équipe de foot féminine au cœur de l’histoire est soudée.»
Adam

Concernant Championnes, roman qui entraîne le lecteur au cœur du foot féminin, Guillaume mentionne la cohérence entre le titre, l’illustration et l’histoire racontée. Timothé retient surtout le deuxième aspect abordé, à savoir les mécanismes de harcèlement: «En lisant ce roman, je me suis retrouvé dans la peau de quelqu’un qui souffre à cause du comportement des autres, ce qui m’a permis de mieux comprendre son ressenti.» Adam met en avant le fait que «l’équipe de foot féminine au cœur de l’histoire est soudée», insistant sur la dimension d’entraide autour de Pénélope. Zoé note que les parents de cette dernière «ne sont au départ pas très contents qu’elle veuille faire du foot, alors que pour elle c’est là qu’elle oublie ses problèmes, d’autant plus que certaines de ses amies rencontrent aussi des difficultés dans leur quotidien et qu’ensemble elles se sentent mieux». Lysa partage l’avis de sa classe à propos de ce livre: «C’est bien que ce soit une équipe de foot féminine et non masculine, car aujourd’hui beaucoup de filles pratiquent ce sport.» Au niveau de la forme, tous s’accordent pour dire que c’est le livre le plus facile à lire des cinq de la sélection.

Deux membres du jury supposent que la couverture aurait été mieux adaptée avec de vrais visages et non une version dessinée. Même si la quatrième de couverture évoque le thème du harcèlement, ils auraient voulu un indice en couverture. Quant au contenu, la réserve émise est liée à la part de foot dans l’intrigue, vécue possiblement comme une surdose, même si cette critique n’est pas celle des lecteurs autour de la table.



A propos de Sables noirs

«Il est rare que des livres embarquent le lecteur dans le déserts.
Lysa

Grâce à Sables noirs, ce roman d’apprentissage mêlant Sahara, nomadisme, terrorisme et quête d’identité, Adam estime qu’en suivant Lilu, il a pu «découvrir un peu comment les gens, dans deux clans très différents, vivent dans le désert». Zoé poursuit: «J’ai été émue par le voyage de ce jeune, et aussi par son parcours dans sa tête.» Timothé a surtout apprécié les passages dialogués. Pour Guillaume, ce qui est frappant dans ce livre, ce sont les descriptions: «A tort on pourrait croire que dans le désert il y a juste du sable, alors que c’est un lieu extraordinaire que l’auteur a bien détaillé, tout comme il le fait avec ses personnages et on ressort du roman avec un autre point de vue sur les nomades.» Selon Lysa, «il est rare que des livres embarquent le lecteur dans le désert et les pays chauds, aussi on se retrouve dans un univers qui ne ressemble absolument pas au nôtre.» Bref, ils ont été sensibles à l’atmosphère de ce livre.

Parmi les réserves des jeunes lecteurs, il y a parfois un peu de monotonie, avec ici ou là des obstacles au niveau du vocabulaire choisi. Certains déplorent être passés un peu à côté d’une compréhension fine des enjeux géopolitiques n’ayant pas encore à leur âge les connaissances suffisantes. Pour Timothé, «les événements du récit sont tous assez prévisibles, donc un peu plus de suspense aurait rendu le texte plus attrayant».


Le choix du jury après les discussions

A l’unisson, les cinq membres du jury tiennent à préciser que lors des discussions en classe ou en bibliothèque, les autres lecteurs n’avaient pas forcément le même classement qu’eux. Pour le jury cantonal, L’aube est bleue sur Mars obtient la médaille d’or devant Championnes.

Voici quelques arguments complémentaires formulés par les membres du jury pour inciter vos élèves à se plonger dans le roman L’aube est bleue sur Mars.

  • En tout premier, ne pas craindre l’épaisseur du livre, car l’histoire, tout sauf pesante, est rythmée du début à la fin.
  • Le titre et la quatrième de couverture sont incitatifs à la lecture et le contenu à la hauteur de la promesse.
  • L’angle du sujet traité est original et le lecteur est dans l’action, sur les pas d’une personne dans l’espace, tout en faisant connaissance avec les personnages qui gravitent autour d’elle, aussi sur Terre.
  • Les compléments à l’histoire centrale ajoutent à la trame du récit, par exemple le fait que l’auteure intègre la thématique du deuil, Esther ayant perdu sa petite sœur dans des circonstances tragiques.
  • La dimension interculturelle des occupants du vaisseau élargit les horizons.
  • A l’unanimité, ils souhaiteraient que ce roman ait une suite en deux tomes, l’un en lien avec le retour sur Terre et l’autre pour en savoir plus sur Mars.

Aux yeux du jury, ce désir que l’auteure poursuive le récit est le meilleur argument en faveur de ce roman. Pour reprendre les mots de Guillaume, «à la dernière page du livre, vous serez tristes de quitter les personnages tant ce roman parvient à accrocher le lecteur».


Dans la peau des enseignants

En vue de promouvoir la sélection du Prix RTS Littérature Ados auprès de ceux qui n’aiment pas trop lire, les membres du jury glisseraient à l’oreille des enseignants les réflexions suivantes:

  • Peut-être faudrait-il imposer la lecture de quelques chapitres en classe, car comment avoir le goût de la lecture sans lire?
  • Peut-être l’enseignant pourrait-il lire le début des livres à haute voix en classe en s’arrêtant à un moment de suspense (même si Adam, Lysa et Timothé préfèrent entrer dans la lecture d’un livre sans cette médiation, ils supposent que cela pourrait aider certains élèves)?
  • Peut-être serait-il judicieux de regarder et de commenter en classe un BookTube ou une interview qui parle de l’un ou l’autre des livres de la sélection?

Avant le goûter offert par la Médiathèque, Zoé a accepté de défendre le coup de cœur cantonal lors du jury final à la RTS à Lausanne. Elle se réjouit de poursuivre cette belle expérience au niveau romand. Sa motivation à argumenter ne fait aucun doute, sachant que puisque ni son CO ni la bibliothèque de Vissoie ne proposaient de groupe de lecture en lien avec le Prix RTS Littérature Ados, elle a saisi la possibilité offerte par la Médiathèque de Sierre.

 

Nadia Revaz


Références de la sélection

Florence Hinckel. L’Aube est bleue sur Mars. Paris: Nathan, 2022.

Stéphanie Leclerc. Grand Passage. Paris: Syros, 2022.

Hervé Giraud Sables noirs. Paris: Editions Thierry Magnier, 2022.

Sébastien Joanniez On a supermarché sur la lune. Genève: La Joie de lire, 2022.

Mathilde Tournier Championnes. Paris: Gallimard Scripto, 2022.


Florence Hinckel, lauréate du Prix RTS Littérature Ados

Florence Hinckel, licenciée en programmation analytique, devenue professeure des écoles, avant de se consacrer entièrement à l'écriture, remporte le Prix RTS Littérature Ados 2024 pour L’aube est bleue sur Marspublié aux éditions Nathan (en 2016, elle avait gagné avec #Bleue). Près de 510 élèves de Suisse romande ont débattu dans leur classe ou leur club de lecture des cinq livres en lice. Un jury de sept jeunes de treize à quinze ans représentant chacun un canton romand a retenu ce roman le samedi 17 février dernier lors des délibérations finales.

La remise du Prix RTS Littérature Ados 2024 aura lieu le mercredi 6 mars 2024 à 13h30 au Salon du livre de Genève à Palexpo.


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