La discipline au cœur d’une conférence de Brigitte Racine
Le 8 octobre dernier, les écoles primaires de Martigny ont accueilli Brigitte Racine, infirmière et psychothérapeute spécialisée en gestion relationnelle pour une conférence intitulée: «La discipline en classe… Un jeu d’enfants et d’enseignants!».
Diplômée de l’Université Laval, du Centre de relation d’aide de Montréal et de l’Institut William Glasser de Californie, la fondatrice d’Educœur a partagé quelques stratégies.
Outre les enseignants des écoles primaires de Martigny, ceux du CO d’Octodure et d’autres établissements scolaires de la région avaient aussi été invités à cette conférence organisée en collaboration avec l’Association des parents de Martigny, par le biais de la Commission école-parents. En fait, l’idée de recevoir Brigitte Racine a été soufflée par des parents ayant assisté en 2023 à l’une de ses conférences à Orsières (cf. encadré).
En préambule à la conférence, Patrice Moret, directeur des écoles primaires de Martigny, a rappelé combien la discipline était un enjeu majeur dans les échanges entre enseignants et parents autour des stratégies à adopter pour faire face aux problèmes de comportements des enfants à l’école et à la maison. Il a aussi souligné l’importance des valeurs qui constituent l’ADN de la nouvelle charte des écoles primaires de Martigny, citant le respect, la confiance, le plaisir, la responsabilité et la collaboration, ces dernières étant aussi au cœur des propos de Brigitte Racine.
La conférencière s’est largement basée sur son ouvrage abordant la gestion de classe, le premier qu’elle a écrit en s’adressant directement aux enseignants, afin de répondre aux questions récurrentes notamment autour de la discipline. Elle a partagé quelques éléments de l’approche Educœur, dont le but est de créer le cadre nécessaire aux élèves pour apprendre et persévérer. Elle a évoqué le grand besoin d’attention des enfants et expliqué pourquoi elle propose de remplacer les punitions et retraits négatifs par la réparation qui vise à compenser le tort causé. Du côté de la prévention, elle a aussi mentionné la technique de la «chaise de la fierté ou du bonheur» pour permettre aux élèves à tour de rôle d’intégrer de belles valeurs, sachant que tout être humain est à la recherche du beau et du bon.
Les participants à la conférence, dont Patrice Moret, Nicolas Pierroz, adjoint à la direction et organisateur de l’événement, et Nicolas Theux, directeur du CO d’Octodure, ont apprécié la dimension simple et pratique des stratégies de Brigitte Racine, dont quelques-unes font probablement déjà partie de la boîte à outils des enseignants de la 1H à la 11CO. Si les pistes suggérées sont transposables immédiatement dans la classe, le changement n’est pas pour autant évident à opérer et prend du temps, car il ne s’agit pas de recettes magiques. Pour reprendre la formule de Nicolas Pierroz, «Brigitte Racine a présenté ou rappelé quelques ingrédients à ajouter à sa liste de produits de base, mais ensuite c’est à chaque enseignant ou parent de cuisiner avec amour sa recette personnalisée.»
«La bienveillance consiste à veiller au bien des élèves en leur fixant des limites.»
Brigitte Racine
INTERVIEW
Dans votre approche de la discipline bienveillante, le besoin d’un cadre cohérent est clairement posé. Avez-vous toujours associé sensibilité et fermeté?
Lorsque je suis devenue mère, je ne voulais pas reprendre les méthodes punitives de ma propre enfance, et très vite je me suis orientée vers la démarche de la réparation. Au fil des ans, je l’ai adaptée et j’ai ajouté de nombreux exemples pour que ce soit plus concret. L’objectif est de responsabiliser de manière bienveillante et progressive les enfants.
Parmi les exemples présentés lors de votre conférence, il y a cette suggestion de demander aux élèves des idées de solutions pour résoudre un problème de gestion de classe. Cette stratégie est-elle particulièrement efficace?
Des enseignants me disent que consulter leurs élèves les sauve dans des situations de découragement face à certaines difficultés pour lesquelles ils n’ont pas de solution. L’enseignant doit parfois oser s’appuyer sur la dynamique de la classe pour pouvoir continuer à enseigner avec cœur, tout en développant le lien d’attachement. A l’école, il ne faut pas oublier de voir les élèves comme des humains et non pas seulement comme des cerveaux qui doivent apprendre, d’autant que les apprentissages passent par le cœur et les valeurs. Des élèves à qui l’enseignant accorde de l’attention sont plus disponibles pour suivre les cours.
Faire équipe avec l’élève ou les parents, est-ce compliqué?
Non, mais il faut commencer par investir du temps que très vite on récupérera, car il ne sera plus nécessaire de devoir répéter ou punir. En prenant soin les uns des autres et en faisant de la classe un lieu d’épanouissement, tout devient tellement plus simple. Il est prouvé que si les enseignants et les parents ont une collaboration constructive, l’élève réussira mieux.
Dans la relation enseignant-élèves, percevez-vous des évolutions au fil des ans?
J’observe que toujours plus d’enseignants réalisent la nécessité de réviser leur mode d’autorité et qu’il vaut mieux privilégier une discipline de cœur. Pour moi, la bienveillance consiste à veiller au bien des élèves en leur fixant des limites. Il faut de la discipline pour devenir discipliné, mais celle-ci peut être incitative.
Si vous deviez associer une valeur à une école dans l’esprit de l’approche Educœur, laquelle choisiriez-vous?
Sans aucune hésitation la fraternité, même si je suis consciente que cette valeur doit paraître trop forte puisque je ne la vois jamais figurer parmi celles retenues par les écoles. Je pourrais l’adoucir en parlant de bonté. Pour moi, il s’agit surtout de laisser moins de place au négatif, au dénigrement et au harcèlement.
Propos recueillis par Nadia Revaz
Echo des conférences de Brigitte Racine à Orsières
Le commentaire d’Adeline Derivaz
Adeline Derivaz, directrice des écoles primaires régionales et directrice du conseil de direction de l’ERVEO (Ecole Régionale de la Vallée d’Entremont), explique que c’est Véronique Laterza, occupant son poste l’année dernière avant de devenir inspectrice de la scolarité obligatoire, qui a eu l’idée de contacter Brigitte Racine en 2023. La conférencière est intervenue à Orsières avec des contenus spécifiquement destinés aux enseignants, au personnel de la structure d’accueil de l’ERVEO et aux parents. Pour les enseignants, l’accent a été mis cette année sur la relation harmonieuse à établir avec les parents. Ainsi que le relève Adeline Derivaz, «Brigitte Racine a par exemple suggéré aux enseignants d’écrire à propos de chaque élève une fois par mois quelque chose de positif à destination des parents et à ces derniers d’indiquer lorsque leur enfant dit avoir particulièrement apprécié quelque chose en classe, de façon à maintenir le lien et à donner de part et d’autre des signaux d’encouragement.» Et la directrice d’ajouter: «Ce sont des pistes qui peuvent vraiment améliorer la relation du triangle collaboratif.»
Extrait d’un des ouvrages de Brigitte Racine
Capter l’attention
«Le début de la période avec vos élèves est le moment le plus important pour réussir votre cours.»
Brigitte Racine in Stratégies de gestion de classe – Intervenir avec cœur auprès des 6 à 12 ans (Editions CHU Sainte-Justine, 2021)
Pour en savoir plus
Approche Educœur