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Fabienne Bochatay Morel et les 5 sens ou Senso5


Fabienne Bochatay Morel est la collaboratrice de Senso5 en charge du projet «Ecole», aussi il semblait judicieux de la rencontrer, d’autant plus que son parcours professionnel a toujours mêlé la diététique avec l’approche par les sens du comportement alimentaire. Cette conversation avec la diététicienne devrait vous inviter à découvrir ou redécouvrir la démarche Senso5 basée sur les 5 sens, faisant partie des ressources de Promotion santé Valais.


Après s’être formée dans le domaine de la nutrition et de la diététique à Genève, Fabienne Bochatay Morel a d’abord travaillé dans le milieu hospitalier à Fribourg, puis en tant que diététicienne indépendante avant d’être la coordinatrice de l’antenne cantonale de l’association Fourchette verte, alors hébergée à Promotion santé Valais. A un moment donné, elle a décidé, selon son expression, «d’alimenter ses compétences» en suivant la formation PIRACEF, puis a enseigné l’éducation nutritionnelle et l’économie familiale dans des écoles en Valais et dans le canton de Vaud. A la suite du départ d’Anne-Claude Luisier, à l’origine et cheffe du projet Senso5, vers d’autres horizons professionnels, elle a été engagée pour coordonner la partie liée aux écoles.


INTERVIEW

Au niveau des enfants, qu’apporte la démarche Senso5 visant comme précisé à «développer une éducation au monde alimentaire non stigmatisante basée sur les 5 sens et le plaisir alimentaire», sachant que tout le monde ne se lèche pas forcément les babines en mangeant ou en parlant de nourriture?
On mange certes pour se nourrir, mais aussi pour se réunir et se réjouir. La démarche Senso5 est là pour donner aux enseignants des conseils afin de stimuler l’éveil sensoriel auprès des enfants, même si tous n’auront évidemment pas la même réceptivité. Etant donné que beaucoup d’enfants passent par la phase de néophobie alimentaire, il est important de donner des clés de compréhension et des pistes pour stimuler cette découverte sensorielle. C’est une porte d’entrée pour comprendre et apprivoiser son comportement alimentaire et cela bien sûr sans empiéter sur le rôle des familles.

Ces activités sont-elles déclinées autour de chacun des sens?
Oui, même si plus particulièrement autour du goût et de l’odorat, peu développés en contexte scolaire. Grâce aux 5 sens, les enfants enrichissent leur vocabulaire, en ayant des mots pour décrire l’aliment et mieux le connaître, même s’il ne sera pas forcément apprécié. En classe, apprendre ce vocabulaire alimentaire sous l’angle des 5 sens, c’est comme étudier celui des couleurs. Au travers des séquences, les élèves identifient plus finement les quatre saveurs, à savoir le sucré, le salé, l’acide et l’amer.

Et ajoutez-vous l’umami?
Avec les enfants, on n’introduit pas cette cinquième saveur, désignant joliment ce qui est délicieux en japonais, cependant UMAMI est le nom de notre nouveau programme en phase de développement.

En quoi consiste ce projet UMAMI?
Ce programme, prévu pour les écoles, mais avec aussi quelques activités qui pourront se faire en famille, intègre la notion d’inter et de transdisciplinarité, en lien avec les capacités transversales et la formation générale du Plan d’études romand ainsi que la dimension de durabilité. Le choix du nom vise à titiller la curiosité et ce projet, accompagné par des experts de la Haute école spécialisée bernoise et de la Haute école pédagogique valaisanne pour le côté scientifique et pédagogique, amène de nouvelles connaissances en lien avec l’alimentation. En complément de l’approche sensorielle, les élèves découvriront le trajet de la tomate, les différences entre un aliment brut, transformé et ultra-transformé, entre un produit local ou d’une provenance lointaine, etc. Il s’agit d’avoir conscience des enjeux de l’alimentation pour notre société et après c’est à chacun d’effectuer son choix en recherchant dans la mesure du possible le juste milieu.

 


«Grâce aux 5 sens, les enfants enrichissent leur vocabulaire.»
Fabienne Bochatay Morel

Si vous deviez partager un conseil avec les enseignants pour éveiller à l’approche sensorielle de l’alimentation, que suggéreriez-vous?
Je pense que l’astuce première, c’est de prendre un peu de temps pour décrire ce qui est dégusté. Les élèves peuvent ainsi mieux se connaître et exprimer ce qu’ils ressentent au-delà du «j’aime / j’aime pas», mais aussi échanger et se positionner en laissant place au plaisir et au déplaisir alimentaire, tout en ayant à l’esprit que cela peut évoluer face à tel ou tel aliment. C’est toujours surprenant de constater la diversité des ressentis. Certains trouveront une même boisson peu amère, d’autres amère et d’autres encore très amère, car nous ressentons tous différemment. Savoir que si l’on est exposé à l’amertume, on l’apprivoisera plus facilement jusqu’à pouvoir l’apprécier est utile. En effet, il faut être exposé plusieurs fois à un aliment avant de décréter qu’on ne l’aime vraiment pas. Evidemment, il ne s’agit pas de mettre la pression, mais de ne pas oublier que les pairs peuvent avoir un effet positif dans la découverte de nouvelles saveurs.

Imaginons une sortie scolaire intégrant un pique-nique… Comment les enseignants peuvent-ils utiliser ce moment pour favoriser la découverte alimentaire par les sens?
Ce que je proposerais, c’est de profiter de ce moment où les enfants sont exposés à l’alimentation à l’école pour en faire un vrai projet de classe en lançant un défi aux élèves afin que le pique-nique soit varié, coloré, équilibré, goûteux et durable. Ainsi cela aboutira tout naturellement à une activité de dégustation.

Plus concrètement, comment s’y prendre?
Pour que l’activité soit une réussite, cela doit se préparer à l’avance, car il faut d’abord se mettre d’accord sur ce qui va composer le menu de ce pique-nique, puis il s’agira de se répartir les aliments à acheter en tenant compte des quantités nécessaires, tout en prévoyant des boîtes pour récupérer les restes. Si une salade est prévue, pourquoi ne pas envisager de la faire avec différentes sortes de tomates? Afin de briser certains préjugés, la classe peut s’interroger sur les critères de choix d’une tomate plutôt que d’une autre. Si des pois chiches sont utilisés pour faire du houmous, pourquoi ne pas les regarder à la loupe avant et après les avoir laissés tremper et s’intéresser à leur origine géographique? Le pique-nique doit être plaisant visuellement et gustativement, ainsi il deviendra une occasion parfaite pour échanger sur le ressenti sensoriel, car ce temps pris en amont ajoutera du sens au projet. Si les enfants sont invités à participer à la réflexion à toutes les étapes, ce sera de toute façon plus stimulant et créatif. Préparer des eaux aromatiques avec différentes plantes peut également devenir un défi de dégustation. Les enfants, s’ils peuvent regarder, goûter, sentir et toucher, se prennent vite au jeu de l’expérimentation en focalisant leur attention sur la dégustation. Le but, c’est d’éveiller à cette approche sensorielle, sans juger les habitudes alimentaires des uns et des autres. Il va de soi que l’idéal serait de privilégier les produits locaux et de saison ainsi qu’une alimentation végétale, toutefois il est agréable de faire des exceptions pour une ouverture par exemple aux cuisines du monde.

Peut-on dire que l’éducation sensorielle se fait tout au long de la vie dès la petite enfance?
C’est tout à fait cela et ma collègue propose des activités et des vidéos en lien aux 5 sens pour les seniors. Avec l’âge il peut y avoir un déficit de certains sens et il s’agit de trouver des solutions pour conserver du plaisir à s’alimenter. L’alimentation implique de constamment s’adapter.

A quoi reliez-vous spontanément le sixième sens au niveau de l’alimentation?
Je l’associe à la proprioception en lien avec le schéma corporel, mais pourquoi pas aussi à l’intuition, avec peut-être comme point commun cette capacité à décoder les informations par les différents capteurs sensoriels de notre corps qui sont ensuite transmises à notre cerveau.


Propos recueillis par Nadia Revaz

 



Historique de Senso5
Entre 2003 et 2005, avec le projet pédagogique intitulé «5 sens pour apprendre», Doris Buchard, Janie Luisier, Alexandra Hugo et Anne-Claude Luisier, mêlant leurs compétences d’enseignement et de recherche, décident d’explorer une nouvelle voie en matière de promotion de la santé, par la mise en place d’une démarche sensorielle, pensée pour des élèves de la 1H à 8H, où le plaisir est au centre des apprentissages et de l’acte de manger.

Au niveau valaisan, le Service de l’enseignement a reconnu le matériel didactique Senso5 comme moyen officiel pour l’éducation nutritionnelle. Celui-ci est recommandé pour toute la Suisse romande par la commission intercantonale des moyens d’enseignements de la CIIP.
https://senso5.ch

Projet UMAMI de Senso5
La fondation Senso5 développe un programme inter et transdisciplinaire d’éducation à l’alimentation saine et durable pour les élèves fréquentant l’école primaire (4-12-ans) qui se nomme: UMAMI. Différents constats ont permis une prise de conscience sur l’importance d’améliorer l’éducation alimentaire (littératie alimentaire) pendant l’enfance, afin de favoriser le changement de comportement alimentaire nécessaire pour atteindre les objectifs de développement durable d’ici 2030.
https://senso5.ch/fr/umami-228.html

Senso5, le vocabulaire des 5 sens
Ce document en ligne liste des verbes d’action, des noms et des adjectifs autour de chacun des 5 sens.


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