Regard d’une apprentie logisticienne sur la persévérance
Victoria Evéquoz, apprentie logisticienne CFC à Sion, au Centre logistique cantonal rattaché au Service de la sécurité civile et militaire, est en troisième et dernière année de formation. Elle apprécie le domaine professionnel dans lequel elle évolue et son parcours démontre qu’elle a su faire preuve de persévérance.
Pour cause de redoublement, sans avoir obtenu de diplôme à la fin du cycle d’orientation, Victoria Evéquoz était partie en apprentissage après la 10CO. Ayant trouvé une place pour se former au métier de logisticienne, elle a d’abord voulu suivre directement la voie du CFC (certificat fédéral de capacité), mais à la suite des premiers examens, n’ayant alors pas un niveau scolaire suffisant, elle a décidé, en accord avec son patron d’apprentissage et l’école professionnelle, d’opter pour l’AFP. Son attestation de formation professionnelle en poche, elle a ensuite pu accéder en filière CFC en 2e année via la « passerelle » AFP-CFC.
«Persévérer est indispensable,
toutefois la réussite est d’après mon expérience d’abord liée à la confiance en soi.»
Victoria Evéquoz
INTERVIEW
Lorsque vous avez décroché une place d’apprentissage, cela vous a-t-il insufflé une nouvelle motivation au CO?
Non, car j’ai trouvé ma place d’apprentissage vers la fin de l’année scolaire. Au départ, c’était en plus un choix de hasard. J’avais effectué quelques stages dans la vente et c’est grâce au conseiller en orientation dans mon CO à Conthey que j’ai découvert la logistique. Après un stage de trois jours au Centre logistique cantonal, j’ai été engagée comme apprentie.
Qu’est-ce qui vous plaît dans votre formation de logisticienne?
Presque tout, même si je m’intéresse probablement un peu moins au volet de la distribution, travaillant dans celui du stockage. Je considère que j’ai beaucoup de chance que ce métier, nécessitant une bonne organisation et un esprit d’équipe, me corresponde. Sans la chaîne logistique, c’est vite la mouise, donc c’est un maillon important qui couvre des secteurs très vastes. Je ne sais pas si j’exercerai ce métier toute ma vie, mais pour quelques années assurément.
Pensez-vous avoir appris la persévérance à l’école professionnelle?
Dès mon entrée en apprentissage, j’ai mieux compris l’importance de m’accrocher, car les notions théoriques à connaître étaient reliées à du concret, tant dans la formation pratique que théorique ou lors des cours interentreprises. Je n’ai pas été démotivée de devoir commencer en AFP, parce que j’avais envie de me donner les moyens de réussir.
Pourquoi n’aviez-vous pas la même persévérance avant?
Je pense que le fait de travailler et de ne pas rester assise tout le temps à écouter les enseignants parler ou à faire mes devoirs a tout changé. Le contact avec la pratique a immédiatement contribué à m’encourager différemment et j’étais tellement heureuse de faire un pas dans le monde des adultes.
Qu’est-ce qui pouvait vous décourager à l’école obligatoire?
Je ne me décourageais pas, étant donné que je n’avais simplement pas de motivation pour aller à l’école, à part rencontrer les copains et les copines. Au début du CO, je manquais d’assurance et de confiance en moi, ce qui constituait mon principal obstacle à la réussite.
Avec le recul, comment percevez-vous les apprentissages scolaires?
Je trouve important d’étudier les langues et les maths, cependant à l’école je n’y parvenais pas, tandis que maintenant j’ai envie d’apprendre. A l’époque, ce sont les lacunes accumulées qui m’ont démotivée.
«Je me souviens en particulier d’un prof au CO qui m’incitait à persévérer.»
Victoria Evéquoz
Que vous disait-on alors?
Les enseignants étaient sympas avec moi et m’ont toujours encouragée. Je me souviens en particulier d’un prof au CO qui m’incitait à persévérer, en me parlant de mon avenir, tout en me conseillant d’étudier autrement, c’est-à-dire de moins m’acharner pour diminuer mon stress, cependant je n’arrivais pas à changer ma manière de faire. Je m’obstinais à étudier par à-coups, passant des heures assise à essayer et essayer encore d’apprendre et ainsi j’aggravais mes lacunes au lieu de les combler. A ma façon, je faisais preuve de persévérance, toutefois je n’avais pas la bonne technique.
Quelles sont vos stratégies d’apprentissage aujourd’hui?
Pour la lecture et l’écriture, je n’ai toujours pas réussi à trouver ce qui pourrait me convenir. Pour le reste, je sais que j’apprends mieux si j’écoute bien en cours, si je prends des notes et que je surligne ce qui est à mémoriser. Je me rends compte qu’avant je stressais trop pour les examens et que lorsque je me mettais à étudier, je m’épuisais, alors que je sais maintenant que j’ai intérêt à y aller plus à la cool, en travaillant moins intensément, mais plus régulièrement, par petites tranches.
N’est-ce point précisément le conseil que vous donnait votre enseignant au CO?
En effet, je fais exactement ce qu’il me suggérait et ce que d’autres enseignants m’ont souvent répété. Au CO, pour une raison qui m’échappe, je n’étais pas prête. J’ai l’impression que ce n’était juste pas le bon moment. Ayant progressivement appris à mieux me connaître, j’ai compris que je ne devais pas me forcer pour réussir, mais aller à mon rythme. Avec davantage de plaisir à apprendre, tout devient tellement plus facile et motivant.
Avec le recul, qu’aurait-on pu changer dans l’école obligatoire pour qu’elle vous corresponde mieux?
Déjà, je crois essentiel que le primaire et le CO demeurent obligatoires, car on y acquiert des bases utiles pour plus tard. Est-ce que l’école aurait dû s’adapter à moi ou moi à elle? En fait, je ne sais pas trop. Peut-être qu’il aurait juste fallu qu’elle fasse quelques liens avec la pratique et le monde réel. Par exemple, plutôt que d’aller faire des bisses lors des promenades scolaires, pourquoi ne pas visiter une entreprise ou une usine? Je suppose qu’une école qui s’ouvrirait un peu sur le monde professionnel pourrait contribuer à motiver certains élèves qui ne voient pas trop à quoi ça sert d’apprendre en classe.
Dans l’approche des matières théoriques, car il y en a aussi au programme de l’AFP et du CFC, avez-vous changé d’attitude?
En formation professionnelle, les contenus m’ont tout de suite paru moins abstraits, même ceux des cours de culture générale. Au CO, on n’apprenait rien en lien avec les contrats de travail, de bail ou de leasing, autant de notions qui auraient pu ouvrir une fenêtre sur ma vie future.
Pour poursuivre en CFC après l’AFP, estimez-vous avoir dû faire preuve de persévérance?
Lors de ce passage, il y a des abandons, car c’est une étape pas si simple à franchir. Pour ma part, j’ai eu la chance d’être encouragée sur ma place de travail, à l’école et à la maison.
Comment votre entourage perçoit-il votre évolution?
Jusqu’au début de mon apprentissage, j’étais dans ma phase ado. Mes parents et mes collègues me disent qu’avant j’étais différente et qu’ils préfèrent celle que je suis devenue. J’ai eu besoin d’un temps d’adaptation pour passer de l’école obligatoire à l’apprentissage, car on est trop jeune quand on doit choisir une formation ou un métier. Mes parents ont déstressé au fur et à mesure qu’ils ont vu que je m’épanouissais.
Avec la maturité acquise, quelle astuce partageriez-vous avec l’élève que vous étiez à l’école obligatoire et donc avec les jeunes qui traversent une étape qui pourrait les amener à décrocher dans leur parcours scolaire?
Si je pense à l’élève que j’étais et donc aux jeunes qui pourraient vivre un passage difficile, je dirais qu’il est important de ne pas lâcher l’école, car on y apprend des connaissances utiles pour la suite. Persévérer est indispensable, toutefois la réussite est d’après mon expérience d’abord liée à la confiance en soi. Quand on se trouve face à une difficulté, il est capital de s’écouter soi-même, de s’entourer des bonnes personnes qui savent apprécier nos qualités et nos forces et surtout de ne pas écouter les gens qui ont tendance à nous décourager. Discuter avec sa famille et ses amis est précieux pour s’accrocher à son projet, et il est important de ne pas oublier que les chemins pour parvenir à le réaliser sont multiples.
Propos recueillis par Nadia Revaz