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Autour d’un jeu d’évasion en lien avec l’inclusion

A la HEP-VS de Saint-Maurice, les étudiants du 5e semestre menant au Bachelor primaire ont pu expérimenter un jeu d’évasion ou escape game en lien avec l’inclusion.
 
 
Cette activité s’est déroulée autour des notions de base en pédagogie spécialisée, dans le cadre d’un cours dispensé par Isabelle Bétrisey, professeure à la Haute école pédagogique du Valais, au double parcours d’enseignante et de psychologue. Une équipe de cinq étudiantes issues de trois classes (Joana de Oliveira, Marion Romailler, Lara Tissières ainsi que Célia Délèze et Chloé Debons) ont adapté un jeu existant, à découvrir sur le site du réseau français Canopé, et organisé sa découverte par leurs collègues enseignants en formation.

REGARDS CROISÉS DE DEUX DES ORGANISATRICES

 
escape game 
Célia Délèze et Chloé Debons, deux des étudiantes de la HEP-VS qui ont adapté le jeu

   

«Cette expérience démontre bien
la difficulté de faire participer tout le monde à une activité.»
Célia Délèze

«Nous avons pu observer que les étudiants
se mettaient déjà en réflexion sur l’inclusion à travers les énigmes.»
Chloé Debons

Pourquoi avez-vous décidé de participer à ce projet parmi les choix possibles proposés par votre formatrice Isabelle Bétrisey dans son cours?

Célia Délèze: Se lancer dans cette aventure m’a semblé intéressant, parce que cela changeait un peu de ce que l’on fait habituellement en cours. Dans ma classe, j’étais la seule à avoir envie de m’impliquer dans ce projet visant à créer un escape game pour la formation des futurs enseignants et je me suis donc ralliée à d’autres étudiants.

Chloé Debons: De base, je suis très friande d’escape games. Cette proposition de construire une activité dans cet esprit m’a donc attirée et comme Célia j’étais motivée pour expérimenter une approche pédagogique peu explorée. 

Peut-on dire que cette démarche permet de commencer par vivre les concepts?

Célia Délèze: Oui, la démarche consistait à d’abord passer par le ressenti corporel et émotionnel, pour ensuite aborder les concepts sous un angle plus théorique, ce qui correspond au processus inverse de ce que l’on fait en général.

Chloé Debons: En entrant dans le thème de l’inclusion par l’activité, l’on est en effet confronté d’une autre manière aux concepts, ce qui modifie la perception des difficultés des élèves à besoins particuliers.

Comment résumeriez-vous le projet testé par les étudiants qui en ont été les joueurs?

Célia Délèze: En une douzaine de postes, ils ont pu vivre l’exclusion, la ségrégation, l’intégration et l’inclusion par le biais d’énigmes à résoudre.

Chloé Debons: Au début de l’escape game, deux étudiants étaient choisis pour se retrouver dans le rôle de non-voyants. Des lunettes les empêchaient de voir, et ils étaient dans une zone à part pendant une quinzaine de minutes sur une heure de jeu, se retrouvant ainsi en difficulté pour trouver les objets cachés. Une fois rattachés au groupe, ils ont continué à se ressentir en retrait. C’était l’un des points forts du jeu.

Avez-vous repris le matériel Canopé ou avez-vous créé le contenu de certaines énigmes?

Chloé Debons: Nous avons seulement adapté le jeu existant à la réalité de l’école valaisanne. Il y avait par exemple une énigme renvoyant à des chiffres formant une date importante pour l’inclusion en France, et nous avons pris le temps d’en choisir une faisant écho au cadre légal valaisan.

Célia Délèze: Nous avons gardé le principe proposé selon lequel il s’agissait de résoudre des énigmes pour parvenir à retrouver le code secret de l’ordinateur d’un enseignant spécialisé-chercheur. Celui-ci avait laissé des indices pour découvrir les ressources qu’il avait rassemblées au fil de sa carrière.

 
escape game 
Un groupe d'étudiants collabore afin de résoudre une énigme. © Joana de Oliveira
  
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Les organisatrices surveillent et aiguillent le groupe en jeu. © Joana de Oliveira

 

Une fois que tout était prêt, comment s’est déroulé le jeu?

Célia Délèze: Il y a d’abord eu une phase test, avec sa mise en œuvre pour des enseignants et quelques étudiants. Puis le jeu a été proposé sur une journée à tous les étudiants de 3e année, répartis en plusieurs groupes.

Chloé Debons: Au début du jeu, une personne de notre équipe présentait le problème à résoudre, indiquait les règles à suivre et diffusait la vidéo visant à la mise en condition. A la fin, un débriefing était organisé avec la formatrice. Pendant le déroulement de l’escape game, nous avons suivi via Teams les différents groupes dans les salles. Les écrans nous permettaient d’avoir un aperçu du jeu et d’envoyer des indices si un groupe peinait à trouver la réponse à une énigme, et dans certaines situations d’entrer dans la salle pour jouer le rôle de l’enseignante et les guider.

Célia Délèze: Comme le timing était serré, le but était d’orienter les groupes en retard pour qu’ils puissent découvrir tous les concepts abordés via les énigmes, mais dans l’ensemble ils ont tous bien réussi.

 

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Une étudiante en posture de non voyante (lunettes) tente de lire du braille. © Joana de Oliveira

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Une étudiante cherche des indices afin de résoudre les énigmes. © Joana de Oliveira

 

Après cette expérience, en quoi cette approche ludique et immersive était-elle intéressante selon vous?

Chloé Debons: Nous avons pu observer que les étudiants se mettaient déjà en réflexion sur l’inclusion à travers les énigmes. Grâce au côté simulation, les difficultés éprouvées par les élèves sont mieux cernées. Toutefois, comme nous n’avons pu participer qu’à un seul débriefing pour revenir sur les concepts abordés, je ne saurais généraliser la portée du jeu.

Célia Délèze: Avoir une énigme à résoudre rend le jeu excitant et être concentré sur une tâche à la fois permet de faire ressortir la dimension de l’exclusion, tout particulièrement pour ceux qui étaient dans le rôle des aveugles. Cette expérience démontre bien la difficulté de faire participer tout le monde à une activité.

Si vous deviez relever des bémols à l’adaptation et à la passation de ce jeu d’évasion, quels seraient-ils?

Célia Délèze: Bizarrement, j’ai eu beaucoup de peine à entrer dans le projet, alors même que j’étais très motivée à l’idée d’y participer. J’ai lu plusieurs fois les documents sans vraiment parvenir à visualiser les étapes du jeu. C’est donc la force du groupe qui a été déterminante, car autrement je me serais vite découragée. Et nous avions la chance d’avoir Chloé dans l’équipe qui avait une bonne connaissance des escape games.

Chloé Debons: Lorsque j’ai ouvert le document et vu sa longueur, comme Célia, je me suis dit: «Ouh là!» Ma curiosité pour les énigmes l’a emporté et dans notre équipe nous avons additionné nos compétences. Parmi les bémols, dans le support d’origine, il y avait quelques petits éléments qui manquaient, aussi nous avons dû trouver comment les compléter, ce qui n’était pas forcément aisé puisque nous ne comprenions pas toujours les intentions des auteurs.

Entre votre entrée à la HEP et aujourd’hui, et aussi grâce à cette activité, portez-vous un regard nouveau sur les élèves à besoins particuliers?

Célia Délèze: J’ai pris conscience du sentiment d’exclusion au quotidien que pouvaient ressentir les élèves à besoins particuliers, notamment ceux ayant un trouble Dys. En voyant les groupes fonctionner en jouant, j’ai encore davantage mesuré que c’est à nous enseignants de les aider à faire partie de la classe.

Chloé Debons: Je partage le point de vue de Célia et j’ajouterais que la frontière entre intégration et inclusion me semble plus nette. J’observe combien il est facile d’exclure et que le rôle de l’enseignant consiste à répondre aux différents besoins des élèves afin de mettre en œuvre l’inclusion qui ne se ferait pas spontanément entre pairs.

Aimeriez-vous pouvoir gérer différemment les élèves à besoins particuliers en classe?

Célia Délèze: Davantage spécialisée dans le cycle 1, je ne serais pas confrontée à la problématique des diagnostics. Mon idéal serait toutefois de parvenir concrètement à cette adaptation indispensable pour aider ceux qui sont exclus à rallier le groupe.

Chloé Debons: En stage, je me sens parfois démunie face à certains élèves et j’ai encore beaucoup de difficultés à mettre en œuvre la différenciation, d’autant qu’à la limite tous ont des besoins particuliers. Je pense que ma priorité sera de trouver une dynamique de classe qui convienne à tout le monde, du fait que cette cohésion est indispensable aux apprentissages. Pour l’instant, je n’arrive pas à savoir si je n’ai pas les connaissances nécessaires ou s’il y a un réel manque de ressources avec une école qui ne serait pas suffisamment axée sur les besoins particuliers de tous les élèves.

Célia Délèze: D’après ce que nous avons vu dans l’ensemble du cours sur les notions de base en pédagogie spécialisée, j’ai l’impression que cette sensibilisation à la nécessaire adaptation a tout de même déjà bien évolué dans l’école valaisanne ou tout au moins qu’elle est sur le bon chemin.

 

LE REGARD D’ISABELLE BÉTRISEY

 

escape game 

«La distinction entre intégration et inclusion a été perçue en une heure de jeu.» Isabelle Bétrisey

 

Quelle est l’origine du projet?

Avec l’objectif de diversifier les approches pédagogiques pour aborder les concepts liés à la diversité, je suis toujours à la recherche d’idées nouvelles et cet été j’ai pris connaissance via LinkedIn et la revue ANAE de cette ressource Canopé. J’ai pensé que ce pourrait être chouette d’expérimenter ce jeu d’évasion pédagogique en formation initiale et, si des étudiants étaient intéressés, d’aller au bout de la démarche en leur demandant de s’impliquer pour construire le projet en expérimentant l’outil, en l’adaptant et en le faisant découvrir à toute la volée. Ce projet correspondait parfaitement au développement d’une des compétences attendues des futurs enseignants en matière de pédagogie spécialisée, à savoir «s’approprier les concepts théoriques à un niveau non seulement cognitif, mais en pouvant les éprouver corporellement et émotionnellement». 

Comment avez-vous vécu dans la peau d’une des joueuses, puisque vous avez fait partie de ceux qui ont testé le jeu avant le jour J?

J’ai vraiment vécu l’exclusion en tant que participante, car j’étais dans la peau d’une personne non voyante se trouvant à l’écart au début du jeu. Même si je connaissais parfaitement les concepts et le principe du jeu, j’ai été chamboulée par l’impossibilité de raccrocher au groupe. Les autres ne s’occupaient aucunement de moi, même lorsque je leur posais des questions pour essayer de retrouver une place dans l’activité. Pour eux, je n’existais pas, ce qui est une sensation assez troublante à expérimenter.

Le travail réalisé par les étudiantes était-il à la hauteur de vos attentes?

A un moment donné, je me suis dit que je leur demandais quelque chose de trop complexe. Elles m’ont bluffée par leur investissement et leur autonomie. Dans le groupe, les cinq étudiantes ont développé plusieurs compétences transversales, notamment la collaboration, l’organisation, l’anticipation et l’adaptation.

Qu’est-il ressorti des débriefings que vous avez conduits?

C’était intéressant de voir ce qu’avaient retenu les étudiants avec une autre approche. En termes de récit d’expériences, car il ne s’agit là aucunement d’une recherche, j’ai été surprise par le degré et le niveau de subtilité dans l’appropriation des concepts. Habituellement, je présente les choses sous l’angle théorique, en les illustrant de vidéos ou de cas pratiques, alors que là l’imprégnation s’est faite de manière plus immersive. Pour exemple, la distinction entre intégration et inclusion, souvent confuse à comprendre par le biais de la littérature scientifique, a été perçue en une heure de jeu. Mon constat, c’est que sur les six groupes qui ont vécu cette activité ludique autour de l’éducation inclusive, cinq ont particulièrement bien fonctionné. Peut-être est-ce dû à l’investissement particulier de cette volée, donc je ne peux pas en tirer de conclusion hâtive. Mon hypothèse, c’est que le fait que les concepts aient été éprouvés par le biais des émotions et de la mise en situation a accéléré leur intégration. Après, il faudra voir ce qu’il reste de cette appropriation à l’épreuve de la réalité.

 

Propos recueillis par Nadia Revaz

 

 

Jeu Canopé

«Code inclusion»: le jeu d’évasion Canopé

Par le biais d’énigmes, de codes secrets, de mise en situation et de simulations, «Code inclusion» propose une mission à résoudre entre pairs, pour aborder des notions essentielles de l’éducation inclusive.

www.reseau-canope.fr

https://bit.ly/3JEetg4