Séquence d'histoire valaisanne: voyage dans le Valais médiéval pour les 9CO
L’un des modules invite à exploiter des documents des Archives, à travers l’exemple des Franchises du Bourg de Conthey.
La séquence se découpe en 3 à 6 périodes modulables au cours desquelles enseignants et élèves de 9CO sont invités à voyager dans le Valais médiéval grâce à des documents d’archives originaux et des objets de musée. C’est presque comme si on y était, car l’on se retrouve au cœur de certains événements de cette période de l’histoire valaisanne qui paraît dès lors proche et haletante.
Le voyage proposé dans la réalité du Valais du XIVe siècle est à la fois historique et géographique. Grâce aux divers documents rassemblés dans cette séquence en ligne (cf. encadré), un monde constitué de territoires très évolutifs en cette période jalonnée par des guerres et la peste noire apparaît. Parmi les onglets des rubriques, Bonne de Bourbon a son espace virtuel (et ceux qui n’avaient pas compris la dénomination de la célèbre salle «Bonne de Bourbon» à la Foire du Valais à Martigny auront l’explication). Quant à l’espace réservé aux profs, il contient une large documentation pour emmener les élèves dans ce parcours parsemé de vidéos (avec une visite au musée et des extraits de correspondance avec Bonne de Bourbon) et de questionnaires interactifs Forms. De plus, une carte reliée à Google Earth invite à la découverte d’un Valais très différent de celui que nous connaissons, ne faisant pas encore partie de la Confédération et très convoité au niveau européen. Parmi les lieux épinglés, il y a notamment le château de Beauregard (cf. 1352 de Philippe Favre, écrivain et enseignant à Sierre), le Bourg de Conthey ou celui d’Orsières.
Une partie du cours fourmille d’informations sur Bonne de Bourbon, épouse d’Amédée VI de Savoie, dit le comte vert.
Une collaboration avec les Archives
Cette séquence d’enseignement, conçue en étroite collaboration avec les Archives cantonales, a été réalisée sur plus d’un an et demi. Cindy Jaggi et Pierre Abbet avaient déjà collaboré avec Alain Dubois dans le cadre de projets limités à leurs classes et ainsi pu s’apercevoir de leur goût commun pour l’histoire valaisanne. Alain Dubois raconte: «Tout est parti de l’ouvrage illustré de Geneviève et Alexandre Lévine sur la Bataille de la Planta paru aux éditions Monographic en 2017, lorsque Cindy et Pierre avaient sollicité des commentaires sur quelques documents présentés dans les annexes de cette publication.» Le fait qu’Alexandre Lévine leur dise combien l’histoire du Valais était extraordinaire a été pour les deux enseignants le déclencheur de leur envie de creuser la thématique. «Très vite, nous avons voulu faire profiter nos collègues des trésors se trouvant aux Archives, en préparant une séquence pour les 9CO», explique Pierre Abbet. Et Cindy Jaggi poursuit: «Le XIVe siècle est une période qui nous intéresse tout particulièrement et figure au programme des 9CO, aussi le choix a été relativement simple.»
Alain Dubois s’est immédiatement enthousiasmé pour ce travail autour de cette séquence destinée à des élèves de 9CO, formidable occasion pour les Archives de «conquérir» un public scolaire. Comme il le souligne, Cindy Jaggi et Pierre Abbet ont converti un savoir trop souvent réservé aux seuls chercheurs en un savoir accessible et adapté aux objectifs du PER, relevant que dans ce cas les deux enseignants avaient non seulement des compétences pédagogiques, mais aussi une expertise historique facilitant le cheminement dans ce Valais méconnu du XIVe siècle. Il précise qu’ils avaient préalablement mené un travail conséquent de repérage via ScopeQuery, ce qui a permis ensuite une sélection relativement aisée à partir des documents originaux. Convaincu par l’importance de ce projet, Christian Masserey, inspecteur de la scolarité obligatoire et président de la COBRA SHS (commission de branches pour les sciences humaines et sociales), a joué le rôle de courroie de transmission entre l’idée et sa réalisation, impliquant le soutien du DEF, tout particulièrement celui de Jean-Philippe Lonfat, chef du Service de l’enseignement, et de Pierre Antille, responsable au SE des moyens d’enseignement au CO.
«Un résultat d’une aussi grande qualité n’aurait pas été possible sans la motivation de ces deux enseignants incroyablement passionnés par la thématique des SHS», commente Christian Masserey. Cette séquence est facultative, cependant pour lui il est essentiel de la faire connaître le plus largement possible, sachant qu’ensuite le matériel réalisé parle de lui-même.
REGARDS CROISÉS ALAIN DUBOIS, CINDY JAGGI ET PIERRE ABBET
De gauche à droite, Alain Dubois, Cindy Jaggi et Pierre Abbet, avec au premier plan deux documents d’archives originaux dont il est question dans la séquence sur le Valais médiéval
Quel regard global portez-vous sur cette séquence que vous avez co-créée?
Alain Dubois: Sachant que l’histoire de Conthey lorsqu’elle faisait partie de la Savoie est riche, Cindy et Pierre ont trouvé de quelle manière susciter la curiosité des élèves du CO. Se dire que la petite histoire de son lieu d’habitation rejoint la grande histoire a quelque chose de fascinant et d’incarné. La trame s’est d’abord construite autour des Franchises de Conthey, qui octroyaient des libertés à la région même si elle était sous la domination de la Savoie, et de la correspondance entre Bonne de Bourbon et les Bourgeois contheysans, puis s’est articulée autour d’autres documents relatifs à l’ensemble du canton.
Pierre Abbet: Au niveau des contenus, pour nous il était précieux d’avoir accès aux documents d’archives et aux objets de musée, car ces pièces nous plongent dans l’époque, avec une émotion inégalable, que l’on soit enseignant ou élève.
Cindy Jaggi: Pouvoir travailler directement sur des sources est un but de l’enseignement de l’histoire selon les attentes du PER et nous souhaitions que l’élève se retrouve dans cette position de chercheur.
Pierre Abbet: Notre séquence se voulait un prolongement des moyens d’enseignement romands, en offrant une possibilité de zoomer sur notre canton au XIVe siècle, avant de mettre en lumière Conthey.
Cindy Jaggi: Avant de découvrir l’histoire autour du CO, il fallait que les élèves aient d’abord une vision générale du Valais à cette époque, c’est pourquoi nous proposons une entrée via trois thématiques, à savoir la vie quotidienne, la féodalité, et les difficultés liées aux guerres et à la peste noire.
Quelles ont été les forces de la collaboration avec les Archives?
Pierre Abbet: Ce qui est formidable, c’est qu’à chaque fois que cela a été nécessaire Alain nous a mis des ressources à disposition.
Alain Dubois: A mes yeux, ce qui a particulièrement bien fonctionné, c’est l’addition de nos compétences, avec des collaborations et des complémentarités à différents niveaux. Les apprentis médiamaticiens des Archives et des Musées cantonaux ont réalisé les vidéos de la séquence. Une collègue qui s’occupe du numérique a apporté son savoir pour la création du site internet. Pierre a traduit des documents écrits en latin qui ont ensuite été relus par une collègue, certaines subtilités n’étant pas toujours faciles à comprendre. Cindy a aussi effectué un travail impressionnant avec Google Earth, afin que les élèves puissent visualiser le patrimoine historique local.
Cindy Jaggi: Sans ce travail d’équipe, nous n’aurions pas pu aboutir à une telle séquence. Avec Pierre, nous avions déjà l’habitude de travailler ensemble et là nous avons pu bénéficier des compétences des uns et des autres autour d’un projet commun, ce qui était un privilège.
«Se dire que la petite histoire de son lieu d’habitation rejoint la grande histoire a quelque chose de fascinant et d’incarné.»
Alain Dubois
«Nous proposons une entrée via trois thématiques, à savoir la vie quotidienne, la féodalité, et les difficultés liées aux guerres et à la peste noire.»
Cindy Jaggi
«Les élèves aiment avoir la sensation d’être au cœur de l’histoire et c’est ce que nous avons essayé de faire.»
Pierre Abbet
Afin d’être ajustée aux objectifs, la séquence a été testée dans quelques classes, dont les vôtres. Quels ont été les retours de vos élèves?
Cindy Jaggi: Mes élèves ont apprécié de vivre l’histoire médiévale à travers des personnes, et ont été tout particulièrement marqués par la vie de Bonne de Bourbon. Découvrant qu’elle avait été mariée à 14 ans, ils ont fait le parallèle avec leur âge. L’anecdote liée aux ours les a aussi impressionnés, car ils n’imaginaient pas que cet animal avait fait partie du décor valaisan. L’approche de l’histoire par le numérique était aussi un plus à leurs yeux.
Pierre Abbet: Grâce aux documents qui sont réels, ils ont découvert l’histoire du Moyen Age d’une autre manière et cassé pas mal de fausses représentations associées à cette période. Les élèves aiment avoir la sensation d’être au cœur de l’histoire et c’est ce que nous avons essayé de faire. Même sans aller aux Archives cantonales avec eux, se déplacer pour voir le Bourg de Conthey, c’est déjà un autre rapport au passé.
Alain Dubois: L’histoire a longtemps été enseignée à travers les grands et les puissants, mais là ce sont des destins tout aussi intéressants.
Quelle suite pourrait être donnée à ce projet?
Pierre Abbet: Nous avons conçu une séquence test, avec des modules autour de notre CO. Il serait intéressant que d’autres enseignants complètent cette partie de notre séquence, en s’appropriant les archives de leur région.
Alain Dubois: Un travail similaire pourrait être mené autour d’autres Franchises, qui existaient pour les principales villes valaisannes d’alors, notamment le Bourg d’Orsières.
Cindy Jaggi: Un tel prolongement serait motivant pour les élèves des autres CO.
Cindy et Pierre, de quelle manière allez-vous suivre cette séquence dans sa diffusion?
Pierre Abbet: Nous allons d’abord présenter la séquence aux enseignants intéressés en novembre et ensuite elle vivra sa ou ses vies.
Cindy Jaggi: Notre rôle est de répondre aux questions des enseignants pour les accompagner dans la prise en main de cette séquence qu’ils pourront utiliser au 2e semestre.
En Valais, à part les ateliers pour les étudiants latinistes, peu d’élèves connaissent les Archives cantonales et en perçoivent leur valeur. En tant qu’archiviste, le regrettez-vous?
Alain Dubois: Pour exemple, en France, le rapport au patrimoine est plus fort, ce qui s’explique du fait que tous les élèves vont aux Archives départementales dans leur parcours scolaire et participent à des ateliers animés par des enseignants détachés de l’Education nationale. L’idéal serait d’avoir des modules suivis sur l’histoire valaisanne. Les élèves apprendraient ainsi l’histoire de leur région et en plus j’estime que c’est un excellent moyen pour intégrer les migrants, en leur faisant percevoir qu’au XIVe siècle le Valais était bien différent de celui d’aujourd’hui. Avec une séquence relative à Sion au XVe siècle, ils se rendraient compte que les familles bourgeoises venaient de la région de Milan. Le Valais est tout sauf un territoire figé.
Seriez-vous déjà prêts à imaginer une autre séquence?
Alain Dubois: Je ne serais pas contre l’idée de poursuivre avec la période entre 1450 et 1550. Des Valaisans étaient alors connectés soit avec les élites politiques, soit avec les élites intellectuelles. Les élèves pourraient découvrir la vie de Walter et Georges Supersaxo, celle de Mathieu Schiner, les procès en sorcellerie ou l’amitié de Thomas Blatter avec Erasme. Peu de publications existent, aussi presque tout est à défricher. L’être humain a conservé les mêmes traits de caractère au fil des siècles et c’est ce qui est troublant. Le passé n’est pas ringard, car il éclaire le présent et permet de prendre un peu de recul par rapport à certains événements contemporains.
Pierre Abbet: Je rêverais que cette saison 2, qui entrerait tout à fait dans le programme de la 10CO, soit validée.
Cindy Jaggi: Je serais évidemment aussi partante pour poursuivre cette aventure collaborative.
Alain Dubois: Le Valais du temps de Stockalper, le Jeff Bezos du XVIIe siècle qui suscitait la convoitise de Louis XIV, serait une autre thématique possible.
Propos recueillis par Nadia Revaz
Page d’accueil de la séquence https://valais14.vallesiana.ch
Un nom d’utilisateur ainsi qu’un mot de passe pour accéder à l’espace prof seront fournis aux enseignants de SHS
Remerciements Au moment de mettre à flot cette séquence, il nous tient à cœur de remercier chaleureusement toutes celles et tous ceux qui l’ont rendue possible. Ce projet — qui nous a permis de découvrir des destins de «Valaisannes» ou de «Valaisans» du XIVe siècle – nous a surtout offert de belles rencontres dans le présent. Une liste nominative serait trop longue ici, mais que chacune et chacun qui nous ont apporté leur soutien et leurs compétences, responsables au SE, membres des équipes des Archives ou des Musées Cantonaux, intervenants et intervenantes externes, directeurs et directrice, inspecteurs et inspectrice, élèves et collègues testeuses ou testeurs passés ou futurs de cette séquence reçoivent l’expression de notre vive reconnaissance! Cindy Jaggi et Pierre Abbet |