Françoise Seppey, psychologue conseillère en orientation au CO
Françoise Seppey Mayoraz est psychologue conseillère en orientation au CO d’Octodure, en collaboration avec Anne-Catherine Possa, et au CO de Fully-Saxon.
Après un riche parcours auprès des adultes au CIO (Centre d’information et d’orientation) rattaché à l’Office d’orientation scolaire, professionnelle et de carrière du Valais dirigé par Cédric Vergère, elle a d’abord été engagée au CO de Martigny il y a quatre ans, en complément à son autre mandat d’alors dans les CIO, à savoir le développement de l’atelier EvalT1 destiné aux jeunes de 15 à 22 ans rencontrant des difficultés à concrétiser un projet de formation, puis, il y a deux ans, elle a repris la permanence du CO de Fully-Saxon.
Le chemin professionnel de Françoise Seppey n’est pas linéaire. Dès son Cycle d’orientation effectué à Euseigne, elle était convaincue que son futur serait lié au secteur médical. Arrivée à l’université, inscrite en faculté de médecine, elle s’est aperçue que ce choix ne lui correspondait pas. Comme elle appréciait néanmoins tout particulièrement le cours de médecine psychosociale, elle a choisi de bifurquer en psychologie, pensant d’abord se spécialiser dans la neuropsychologie, étant intéressée par la dimension expérimentale et les sciences. Elle a effectué la première partie de ses études en Californie et a obtenu sa licence en psychologie à Genève. C’est lors d’un stage en psychologie de l’orientation dans le secteur des adultes, en lien avec l’ouverture des CIO en Valais, qu’elle a été enthousiasmée par ce domaine jalonné de bilans de compétence, de cours en lien avec la gestion de carrière et de rencontres variées. Françoise Seppey a travaillé au Centre d’information et d’orientation de Sierre et en était la responsable avant de s’engager dans le développement de l’atelier EvalT1, en collaboration avec les ORP (offices régionaux de placement) et les SeMo (semestre de motivation). C’est dans ce contexte qu’elle a découvert le bonheur de travailler avec des adolescents.
Françoise Seppey travaille dans deux CO.
INTERVIEW
En étant psychologue conseillère en orientation à l’école, avez-vous l’impression d’une continuité avec votre parcours antérieur?
J’ai presque eu la sensation de devoir me familiariser avec un nouveau métier. La base est bien sûr la même, toutefois le contexte est tellement différent. Au CIO, je collaborais régulièrement avec les ORP et les assurances sociales, alors qu’au CO mes principaux partenaires pour l’orientation des élèves sont la direction, les enseignants spécialisés et les titulaires. Dans les deux cas, il y a les contacts à établir avec les entreprises, toutefois les approches ne sont pas similaires, puisque d’un côté on a des employés et de l’autre des apprentis.
«Grâce à mon expérience, je peux envisager l’orientation des jeunes avec un certain recul.»
Françoise Seppey
Quels sont à vos yeux les atouts de votre expérience professionnelle antérieure?
J’ai beaucoup de chance que l’évolution de ma carrière se soit réalisée dans ce sens, en passant d’un public d’adultes à celui d’adolescents. Grâce à mon expérience, je peux envisager l’orientation des jeunes avec un certain recul. J’ai rencontré des adultes avec des parcours peu scolaires ayant réussi à trouver leur voie par la suite, c’est pourquoi je suis consciente, pas seulement d’un point de vue théorique, de l’importance des compétences pratiques, sociales et manuelles. J’arrive à percevoir chez les élèves certaines de leurs capacités autres que scolaires, par exemple des facilités dans le relationnel qui méritent d’être valorisées. Cette distance me permet par ailleurs de me sentir à l’aise lors des rencontres avec les parents, car je peux leur dire – avec une conviction forte – l’importance de relativiser sachant par expérience que l’orientation initiale n’est qu’une étape.
La dimension psychologique de votre profession est-elle valorisée dans le contexte scolaire?
Dans les deux écoles où je suis engagée, la direction et les enseignants ont parfaitement identifié la complémentarité de nos domaines de compétences. J’apprécie qu’ils n’hésitent pas à me poser des questions pour compléter leur regard pédagogique avec mon angle de vue psychologique.
Quelle est la journée-type d’une conseillère en orientation au CO?
Les activités varient au fil de l’année scolaire. A la rentrée, j’ai l’impression qu’il faut lancer le paquebot scolaire et se présenter aux nouvelles classes dans le but que les élèves connaissent mieux notre rôle. En milieu d’année, je consacre l’essentiel de mon temps aux entretiens individuels pour effectuer un travail d’exploration. Il m’arrive de recevoir 6 ou 7 jeunes par jour. Même si je ne rencontre pas tous les élèves, des filets ont été mis en place dans le cadre des cours d’éducation des choix (EDC), afin que les titulaires puissent repérer ceux qui auraient besoin de conseils plus spécifiques. A côté de cela, il y a le suivi des stages, la collaboration à divers événements, etc. Au fil des semaines, les relations se tissent autour de l’orientation, et cette démarche englobe évidemment les parents qui en sont les premiers responsables.
Comment se construit le projet d’orientation d’un élève?
Les contours et détours font partie de l’orientation, aussi j’aime bien l’idée de mettre en parallèle le parcours d’un train direct et la carte de l’ensemble des lignes du métro parisien. Comme dans ce dernier, avec son système de passerelles, le paysage éducatif suisse permet de multiples transferts dans le réseau, peu importe la ligne de départ choisie. Après le CO, les élèves passent une première porte pour définir leur avenir à un horizon de trois, quatre ou cinq ans. Les jeunes se retrouveront alors face à une deuxième porte, étant celle ou non envisagée lorsqu’ils étaient au CO.
Guider les élèves dans ce dédale avec en plus toute l’inconnue de l’évolution des métiers liée aux avancées de l’intelligence artificielle, est-ce angoissant?
Nous sommes là pour rassurer les élèves et trouver les outils pour repérer les freins et atténuer les peurs. C’est face à cette part d’inconnu que la casquette de psychologue s’avère particulièrement utile.
Le conseil en orientation est-il quelquefois attendu comme une baguette magique?
N’ayant hélas pas de baguette magique, je n’ai pas de solution pour répondre à toutes les attentes. Le conseil en orientation, tantôt c’est subtil et complexe, tantôt cela se limite à une impulsion. Parfois on aide un élève à se préparer pour oser téléphoner à un patron et ensuite il est lancé, effectue un stage et trouve tout seul une place d’apprentissage. Il arrive aussi qu’un jeune revienne d’un stage découragé et qu’on doive le remotiver en lui apprenant à dédramatiser et à relativiser, car le passage entre l’école et le monde professionnel implique un véritable saut pas si facile à réaliser.
L’image que vous aviez du CO à travers votre expérience d’élève puis de conseillère en orientation pour les adultes correspond-elle à ce que vous avez découvert avec l’orientation scolaire?
Alors que j’étais au CO, j’avais une perception très positive de l’école, ayant eu un parcours de bonne élève. En revanche, par le biais de mon expérience professionnelle, cette image de l’école était devenue assez négative. Dans le cadre de l’orientation des adultes, j’accompagnais souvent des personnes qui me racontaient une école peu aidante, voire traumatisante, encore plus lorsqu’il s’agissait de jeunes en rupture. Sur le terrain, j’ai découvert une école autre que la perception que j’en avais et je suis désormais très admirative du travail qui y est effectué. Les enseignants fournissent un effort extraordinaire pour s’adapter à chaque élève en vue de les faire progresser à leur mesure. Entre la 9CO et la 11CO, je me rends compte du chemin parcouru par tous les élèves, même ceux qui n’aiment pas l’école. Hélas, il arrive que cela ne soit pas suffisant pour leur permettre une transition harmonieuse entre l’école obligatoire et le secondaire II.
De votre poste d’observation au cœur de l’école, verriez-vous une modification à apporter pour la faire évoluer?
Au CO, je constate que certains élèves auraient vraiment besoin d’avoir l’occasion de développer aussi leurs compétences pratiques et pas seulement celles qui sont purement scolaires. L’autre jour, en discutant avec une enseignante de dessin, celle-ci avait une vision très positive d’un élève dont le bulletin scolaire donne une image plutôt négative, et elle soulignait qu’il aurait tant besoin de pouvoir exprimer sa créativité, tout en étant davantage en mouvement, ce qui est trop peu fréquent en cours. Pour les jeunes peu scolaires, je me dis que l’école gagnerait en efficacité si elle proposait quelques cours orientés «ateliers pratiques».
Françoise Seppey à son bureau de conseillère en orientation.
Du côté de l’orientation des jeunes, auriez-vous une suggestion d’amélioration?
L’offre est large et riche, avec les cours d’EDC, le conseil en orientation, le Salon des métiers et formations Your Challenge, les séances Passeport Info, etc. Si je pouvais modifier quelque chose, je donnerais plus souvent la possibilité aux élèves de visiter des entreprises au niveau de la commune et même de la région. Le nouveau cours d’EDC va dans cette direction avec certaines activités proposées, dont le rallye des métiers, mais j’irais encore un pas plus loin au niveau du temps consacré à la découverte du monde professionnel dans sa globalité, ceci afin d’offrir aux élèves des occasions de voir des métiers auxquels ils n’auraient pas forcément songé. Dans l’idéal, j’ajouterais des temps obligatoires de stages, ce qui simplifierait l’organisation au niveau des écoles et éviterait les rattrapages de matière, souvent délicats à gérer pour ceux qui peinent au niveau des notes. Les élèves d’une même classe partiraient les mêmes jours en stage. Cela se fait sur deux jours en 10e et en 11e au CO de Fully-Saxon, dès lors l’idée me semble à creuser. Les entreprises joueraient assurément le jeu d’une petite désorganisation de leur côté, car c’est une bonne façon de promouvoir leurs métiers. L’idée du «speed recruiting», expérimentée à Saint-Maurice et permettant un contact direct entre patrons et élèves en recherche de places d’apprentissage, devrait faire son chemin. Divers projets testés dans d’autres CO sont aussi très intéressants. Une autre piste consisterait à inviter plus de jeunes à parler de leurs années de formation et de leurs débuts dans une profession. De tels témoignages pourraient contribuer à rassurer les élèves. La possibilité offerte aux classes du CO de contacter un ambassadeur ou une ambassadrice de carrière est donc à saisir. J’ai vraiment l’impression que nous sommes sur la bonne voie…
«Pour l’orientation, les rêves sont un moteur incroyable.»
Françoise Seppey
Sur les fiches de www.orientation.ch, les qualités requises pour exercer telle ou telle profession sont mentionnées. De façon plus personnelle, quelles sont celles qui sont indispensables pour être conseillère ou conseiller en orientation?
Il s’agit tout d’abord de croire au potentiel de réussite des projets des personnes que l’on a en face de nous. Sans cette confiance, accompagner un jeune sur la route de l’orientation s’avère impossible. A mon sens, il est également fondamental de rester neutre pour ne pas classer les formations ou les professions.
Il arrive que l’orientation soit perçue par certains comme une briseuse de rêves. Est-ce le cas?
Pour l’orientation, les rêves sont un moteur incroyable. Pourquoi un élève qui a de très bonnes notes est invité à rêver grand et celui qui est en difficulté scolaire n’y aurait pas droit? Nous devons veiller à garantir cette égalité de traitement, d’autant plus que la réussite à l’école et celle dans la vie professionnelle ne sont pas toujours reliées. En revanche, notre travail est d’aider à la réalisation d’une étape de ce projet et là il s’agit d’être réaliste. Derrière un rêve, il y a des valeurs et notre rôle consiste à décoder ces éléments pour une réinterprétation. Parfois il s’agit d’une représentation influencée par une image idéalisée d’un métier ou correspondant à une attente réelle ou supposée de la part de l’entourage. Ce décryptage nous permet d’évaluer les véritables aspirations de l’élève avec un réajustement du projet initial, tout en n’occultant pas certains deuils qu’il doit faire au moins temporairement, tout en laissant des portes ouvertes pour l’avenir.
Propos recueillis par Nadia Revaz
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